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La création d’entreprise : un processus collectif et incertain

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Comment se créent les entreprises innovantes, ces startups qui font l’objet de toutes les sollicitudes des pouvoirs publics ? Comment leurs fondateurs s’engagent-ils dans ces projets ? Quelle place prennent les relations interpersonnelles dans les processus de création ?

Telles sont quelques-unes des questions qui ont conduit des chercheurs du Labex Structurations des Mondes Sociaux (SMS) – Michel Grossetti, en collaboration avec Jean-François Barthe, Christophe Beslay et Nathalie Chauvac – à mener depuis 2005 une enquête, qui a permis à ce jour de constituer un corpus d’une centaine d’histoires d’entreprises, suivies par l’équipe depuis leur création.

Entreprise innovante, méthode innovante ?

shutterstock_114808651Les entreprises étudiées sont des entreprises innovantes au sens où elles ont été reconnues comme telles par les dispositifs d’appui (pépinières, incubateurs, Agence Nationale de Valorisation de la Recherche, etc.). Il s’agit principalement d’entreprises d’ingénierie (informatique, électronique, mécanique), de chimie, de biologie et de pharmacie, avec également quelques sociétés du secteur tertiaire. La plupart sont basées en Midi Pyrénées, région où a démarré la recherche, mais depuis 2011, celle-ci s’est élargie à trois autres bassins : Bordeaux, Marseille et Grenoble. Les fondateurs d’une partie des premières entreprises enquêtées en 2005 et 2006 ont été revus en entretien depuis 2009, et toutes sont suivies au moyen des informations financières et documentaires disponibles.

Une méthode innovante a été mise en œuvre et développée à cette occasion. Dans un premier temps, les enquêteurs ont mené des entretiens avec les fondateurs des entreprises et éventuellement avec des professionnels des dispositifs d’appui. Ces entretiens croisés ont servi de matériau de base pour la rédaction d’une histoire de l’entreprise. Un retour a été fait aux enquêtés pour qu’ils puissent amender, modifier l’histoire ou la compléter. Ce récit a fait ensuite l’objet d’un double traitement : il a été analysé à partir des outils classiques d’analyse des matériaux qualitatifs et il a permis de coder certaines informations pour une analyse quantitative.

Les principaux résultats

5571593357_3022daa6c1_oTout d’abord, la création d’entreprise est un acte collectif. D’une part, les cas où elle est l’œuvre d’un fondateur unique sont minoritaires (un tiers environ) ; la plupart du temps, au moins deux personnes (parfois plus, jusqu’à six dans l’enquête) s’associent pour constituer la nouvelle société. D’autre part, l’image d’un fondateur isolé, entrepreneur visionnaire, sur laquelle se fondent la plupart des dispositifs d’aide à la création d’entreprises ne résiste guère à l’analyse. L’entrepreneuriat est une activité collective, dans laquelle interviennent les fondateurs de l’entreprise, mais également des personnes avec qui ils sont en relation et qui leur apportent de l’aide : anciens collègues, enseignants, autres personnes avec lesquelles ils ont travaillé sur un même projet ou dans un même contexte, ou encore relations familiales ou amicales.

Les ressources mobilisées dans la création d’entreprise sont dans la moitié des cas fournies par ces relations, ce qui illustre bien l’idée d’un encastrement de l’activité économique dans l’ensemble des relations sociales, même dans un univers très outillé en dispositifs de soutien comme le milieu des entreprises innovantes. Toutefois, le recours aux relations interpersonnelles diminue au fil du temps, lorsque la nouvelle entreprise parvient à survivre, et parfois à se développer.

Par ailleurs, l’engagement dans la création d’entreprise est lié à l’incertitude par rapport à une situation personnelle. Dans 60 % des cas, les fondateurs soit sont dans une situation précaire (chômage), soit craignent de s’y retrouver en raison des évolutions de leur entreprise d’origine (restructuration en cours ou en perspective). La création d’entreprise est le plus souvent une solution parmi d’autres, en balance avec des emplois salariés.

Malgré tout, le devenir des entreprises reste peu prévisible tant il dépend des fluctuations des différents contextes dans lesquels elles sont insérées. Quels sont les facteurs de succès ou d’échec des entreprises ? Il semble bien que lorsque les fondateurs s’appuient sur des dispositifs institutionnels, l’évolution de leur entreprise soit davantage prévisible que lorsqu’ils s’appuient massivement sur des relations personnelles. Mais plus généralement, c’est le fait d’utiliser surtout des dispositifs relevant du secteur professionnel de l’entreprise, ou des relations personnelles professionnelles, qui limite les risques de difficulté ou d’échec.

Bibliographie indicative
Grossetti M., 2011, « Les narrations quantifiées. Une méthode mixte pour étudier des processus sociaux », Terrains et Travaux, n°19, 161-182.
Grossetti M., Barthe J.-F., Chauvac N., 2011, « Studying relational chains from narrative material », Bulletin de Méthodologie Sociologique, n°110, 11-25.
Grossetti M., Barthe J.-F., 2008, « Dynamiques des réseaux interpersonnels et des organisations dans les créations d’entreprises », Revue Française de Sociologie, 49-3, 585-612.

Mis en ligne le 22 octobre 2013


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